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LES ROUGON-MACQUART.

lides s’en donner pendant toute une nuit ; mais jamais, au grand jamais, elle ne se serait imaginée qu’un homme pût prendre du plaisir si longtemps ; quand elle disait prendre du plaisir, c’était une façon de parler, car il n’y a pas de plaisir à faire malgré soi des sauts de carpe, comme si on avait avalé une poudrière. Coupeau, trempé de sueur, fumait davantage, voilà tout. Sa bouche semblait plus grande, à force de crier. Oh ! les dames enceintes faisaient bien de rester dehors. Il avait tant marché du matelas à la fenêtre, qu’on voyait son petit chemin à terre ; le paillasson était mangé par ses savates.

Non, vrai, ça n’offrait rien de beau, et Gervaise, tremblante, se demandait pourquoi elle était revenue. Dire que, la veille au soir, chez les Boche, on l’accusait d’exagérer le tableau ! Ah bien ! elle n’en avait pas fait la moitié assez ! Maintenant, elle voyait mieux comment Coupeau s’y prenait, elle ne l’oublierait jamais plus, les yeux grands ouverts sur le vide. Pourtant, elle saisissait des phrases, entre l’interne et le médecin. Le premier donnait des détails sur la nuit, avec des mots qu’elle ne comprenait pas. Toute la nuit, son homme avait causé et pirouetté, voilà ce que ça signifiait au fond. Puis, le vieux monsieur chauve, pas très-poli d’ailleurs, parut enfin s’apercevoir de sa présence ; et, quand l’interne lui eut dit qu’elle était la femme du malade, il se mit à l’interroger, d’un air méchant de commissaire de police.

— Est-ce que le père de cet homme buvait ?

— Oui, monsieur, un petit peu, comme tout le monde… Il s’est tué en dégringolant d’un toit, un jour de ribote.

— Est-ce que sa mère buvait ?

— Dame ! monsieur, comme tout le monde, vous