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L’ASSOMMOIR.

davantage, la pria de refaire un peu comme il faisait, pour voir. Oui, oui, encore un peu ! à la demande générale ! la société lui disait qu’elle serait bien gentille, car justement il y avait là deux voisines, qui n’avaient pas vu la veille, et qui venaient de descendre exprès pour assister au tableau. Le concierge criait au monde de se ranger, les gens débarrassaient le milieu de la loge, en se poussant du coude, avec un frémissement de curiosité. Cependant, Gervaise baissait la tête. Vrai, elle craignait de se rendre malade. Pourtant, désirant prouver que ce n’était pas histoire de se faire prier, elle commença deux ou trois petits sauts ; mais elle devint toute chose, elle se rejeta en arrière ; parole d’honneur, elle ne pouvait pas ! Un murmure de désappointement courut : c’était dommage, elle imitait ça à la perfection. Enfin, si elle ne pouvait pas ! Et, comme Virginie retournait à sa boutique, on oublia le père Coupeau, pour causer vivement du ménage Poisson, une pétaudière maintenant ; la veille, les huissiers étaient venus ; le sergent de ville allait perdre sa place ; quant à Lantier, il tournait autour de la fille du restaurant d’à côté, une femme magnifique, qui parlait de s’établir tripière. Dame ! on en rigolait, on voyait déjà une tripière installée dans la boutique ; après la friandise, le solide. Ce cocu de Poisson avait une bonne tête, dans tout ça ; comment diable un homme dont le métier était d’être malin, se montrait-il si godiche chez lui ? Mais on se tut brusquement, en apercevant Gervaise, qu’on ne regardait plus, et qui s’essayait toute seule au fond de la loge, tremblant des pieds et des mains, faisant Coupeau. Bravo ! c’était ça, on n’en demandait pas davantage. Elle resta hébétée, ayant l’air de sortir d’un rêve. Puis, elle fila raide. Bien le bonsoir,