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Page:Zola - L'Assommoir.djvu/56

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LES ROUGON-MACQUART.

paix, coupée uniquement du bruit des métiers, du bercement d’un refrain, toujours le même, répété pendant des heures. La cour seulement était un peu humide. Si Gervaise avait demeuré là, elle aurait voulu un logement au fond, du côté du soleil. Elle avait fait cinq ou six pas, elle respirait cette odeur fade des logis pauvres, une odeur de poussière ancienne, de saleté rance ; mais, comme l’âcreté des eaux de teinture dominait, elle trouvait que ça sentait beaucoup moins mauvais qu’à l’hôtel Boncœur. Et elle choisissait déjà sa fenêtre, une fenêtre dans l’encoignure de gauche, où il y avait une petite caisse, plantée de haricots d’Espagne, dont les tiges minces commençaient à s’enrouler autour d’un berceau de ficelles.

— Je vous ai fait attendre, hein ? dit Coupeau, qu’elle entendit tout d’un coup près d’elle. C’est une histoire, quand je ne dîne pas chez eux, d’autant plus qu’aujourd’hui ma sœur a acheté du veau.

Et comme elle avait eu un léger tressaillement de surprise, il continua, en promenant à son tour ses regards :

— Vous regardiez la maison. C’est toujours loué du haut en bas. Il y a trois cents locataires, je crois… Moi, si j’avais eu des meubles, j’aurais guetté un cabinet… On serait bien ici, n’est-ce pas ?

— Oui, on serait bien, murmura Gervaise. À Plassans, ce n’était pas si peuplé, dans notre rue… Tenez, c’est gentil, cette fenêtre, au cinquième, avec des haricots.

Alors, avec son entêtement, il lui demanda encore si elle voulait. Dès qu’ils auraient un lit, ils loueraient là. Mais elle se sauvait, elle se hâtait sous le porche, en le priant de ne pas recommencer ses bêtises. La