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L’ASSOMMOIR.

passait de nouvelles ribambelles, le toit en était noir. Est-ce qu’il n’y avait pas des araignées aussi ! Il serrait rudement son pantalon pour tuer contre sa cuisse de grosses araignées, qui s’étaient fourrées là. Sacré tonnerre ! il ne finirait jamais sa journée, on voulait le perdre, son patron allait l’envoyer à Mazas. Alors, en se dépêchant, il crut qu’il avait une machine à vapeur dans le ventre ; la bouche grande ouverte, il soufflait de la fumée, une fumée épaisse qui emplissait la cellule et qui sortait par la fenêtre ; et penché, soufflant toujours, il regardait dehors le ruban de fumée se dérouler, monter dans le ciel, où il cachait le soleil.

— Tiens ! cria-t-il, c’est la bande de la chaussée Clignancourt, déguisée en ours, avec des flafla…

Il restait accroupi devant la fenêtre, comme s’il avait suivi un cortège dans une rue, du haut d’une toiture.

— V’là la cavalcade, des lions et des panthères qui font des grimaces… Il y a des mômes habillés en chiens et en chats… Il y a la grande Clémence, avec sa tignasse pleine de plumes. Ah ! sacredié ! elle fait la culbute, elle montre tout ce qu’elle a !… Dis donc, ma biche, faut nous carapatter… Eh ! bougres de roussins, voulez-vous bien ne pas la prendre !… Ne tirez pas, tonnerre ! ne tirez pas…

Sa voix montait, rauque, épouvantée, et il se baissait vivement, répétant que la rousse et les pantalons rouges étaient en bas, des hommes qui le visaient avec des fusils. Dans le mur, il voyait le canon d’un pistolet braqué sur sa poitrine. On venait lui reprendre la fille.

— Ne tirez pas, nom de Dieu ! ne tirez pas…

Puis, les maisons s’effondraient, il imitait le craquement d’un quartier qui croule ; et tout disparais-