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LES ROUGON-MACQUART.


— Prends les chaises ! cria à son tour madame Lorilleux. C’est cette dame, n’est-ce pas ? Très bien, très bien !

Elle avait roulé le fil ; elle le porta à la forge, et là, activant le brasier avec un large éventail de bois, elle le mit à recuire, avant de le passer dans les derniers trous de la filière.

Coupeau avança les chaises, fit asseoir Gervaise au bord du rideau. La pièce était si étroite, qu’il ne put se caser à côté d’elle. Il s’assit en arrière, et il se penchait pour lui donner, dans le cou, des explications sur le travail. La jeune femme, interdite par l’étrange accueil des Lorilleux, mal à l’aise sous leurs regards obliques, avait un bourdonnement aux oreilles qui l’empêchait d’entendre. Elle trouvait la femme très vieille pour ses trente ans, l’air revêche, malpropre avec ses cheveux queue de vache, roulés sur sa camisole défaite. Le mari, d’une année plus âgé seulement, lui semblait un vieillard, aux minces lèvres méchantes, en manches de chemise, les pieds nus dans des pantoufles éculées. Et ce qui la consternait surtout, c’était la petitesse de l’atelier, les murs barbouillés, la ferraille ternie des outils, toute la saleté noire traînant là dans un bric-à-brac de marchand de vieux clous. Il faisait terriblement chaud. Des gouttes de sueur perlaient sur la face verdie de Lorilleux ; tandis que madame Lorilleux se décidait à retirer sa camisole, les bras nus, la chemise plaquant sur les seins tombés.

— Et l’or ? demanda Gervaise à demi-voix.

Ses regards inquiets fouillaient les coins, cherchaient, parmi toute cette crasse, le resplendissement qu’elle avait rêvé.

Mais Coupeau s’était mis à rire.