Page:Zola - L'Assommoir.djvu/98

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
98
LES ROUGON-MACQUART.

relief, des vaisseaux grands comme des joujoux. Un autre escalier se rencontra, très loin, au bout d’un quart d’heure de marche. Et, l’ayant descendu, elle se retrouva en plein dans les dessins. Alors, le désespoir la prit, elle roula au hasard des salles, les couples toujours à la file, suivant M. Madinier, qui s’épongeait le front, hors de lui, furieux contre l’administration, qu’il accusait d’avoir changé les portes de place. Les gardiens et les visiteurs la regardaient passer, pleins d’étonnement. En moins de vingt minutes, on la revit au salon carré, dans la galerie française, le long des vitrines où dorment les petits dieux de l’Orient. Jamais plus elle ne sortirait. Les jambes cassées, s’abandonnant, la noce faisait un vacarme énorme, laissant dans sa course le ventre de madame Gaudron en arrière.

— On ferme ! on ferme ! crièrent les voix puissantes des gardiens.

Et elle faillit se laisser enfermer. Il fallut qu’un gardien se mît à sa tête, la reconduisit jusqu’à une porte. Puis, dans la cour du Louvre, lorsqu’elle eut repris ses parapluies au vestiaire, elle respira. M. Madinier retrouvait son aplomb ; il avait eu tort de ne pas tourner à gauche ; maintenant, il se souvenait que les bijoux étaient à gauche. Toute la société, d’ailleurs, affectait d’être contente d’avoir vu ça.

Quatre heures sonnaient. On avait encore deux heures à employer avant le dîner. On résolut de faire un tour, pour tuer le temps. Les dames, très lasses, auraient bien voulu s’asseoir ; mais, comme personne n’offrait des consommations, on se remit en marche, on suivit le quai. Là, une nouvelle averse arriva, si drue que, malgré les parapluies, les toilettes des dames s’abîmaient. Madame Lorilleux, le cœur noyé