Page:Zola - La Confession de Claude (Charpentier 1893).djvu/147

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sir à agrandir la plaie en me répétant que tout cela n’est plus & ne sera jamais plus. Puis, le souvenir s’envole ; l’éclair a passé en moi ; je demeure brisé, ne me rappelant rien.

Plus tard encore, à l’âge où l’homme s’éveille dans l’enfant, notre vie changea. Je préfère les heures premières à ces heures de passion & de virilité naissantes ; les souvenirs de nos chasses, de notre existence vagabonde, me sont plus doux que la lointaine vision des jeunes filles dont les visages restent empreints dans mon cœur. Je les vois, pâles & effacées, dans leur froideur, dans leur indifférence de vierges ; elles ont passé, ne me connaissant point, &, aujourd’hui, lorsque je songe encore à elles, je me dis qu’elles ne peuvent songer à moi. Je ne sais, cette pensée fait qu’elles me sont étrangères ; il n’y a pas échange de souvenirs, je les regarde comme de pures pensées, comme des rêves que j’ai caressés & qui s’en sont allés.