Page:Zola - La Confession de Claude (Charpentier 1893).djvu/16

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Moi, frères, je vis tristement : j’ai l’hiver sans printemps, sans amoureuse. Mon grenier, tout au haut d’un escalier humide, est grand & irrégulier ; les angles se perdent dans l’ombre, les murs, nus & obliques, font de la chambre une sorte de corridor qui s’allonge en forme de bière. De pauvres meubles, minces planches mal ajustées & peintes d’une horrible couleur rouge, craquent funèbrement dès qu’on les touche. Des lambeaux de damas déteint pendent au-dessus du lit, & la fenêtre, privée de rideaux, s’ouvre sur une grande muraille noire, éternellement debout & sévère.

Le soir, quand le vent ébranle la porte & que les murs vacillent avec la flamme de ma lampe, je sens peser sur moi un ennui morne & glacé. Je m’arrête au foyer mourant, aux laides rosaces brunes du papier peint, aux vases de faïence où se sont fanées les dernières fleurs, & je crois entendre chaque chose se plaindre de solitude