Page:Zola - La Confession de Claude (Charpentier 1893).djvu/19

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D’autres fois, quand les fleurs étaient plus douces, les étoiles plus radieuses, nous caressions d’amoureuses visions. Chacun de nous avait sa bien-aimée. Les vôtres, vous souvenez-vous ? brunes & rieuses filles, étaient reines des moissons & des vendanges ; elles se jouaient, parées d’épis & de grappes, & couraient par les sentiers, emportées dans le vol de leur turbulente jeunesse. La mienne, pâle & blonde, avait la royauté des lacs & des nuées ; elle marchait languissamment, couronnée de verveines, semblant à chaque pas prête à quitter la terre.

Vous souvenez-vous, frères ? Le mois dernier, nous allions ainsi rêver au milieu des campagnes, & puiser le courage de l’homme dans le saint espoir de l’enfant. Je me suis fatigué du songe, j’ai cru me sentir la force de la réalité. Voici cinq semaines que j’ai quitté nos larges horizons que féconde le souffle embrasé de midi. J’ai serré vos mains, j’ai dit adieu à notre