Page:Zola - La Confession de Claude (Charpentier 1893).djvu/204

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Je ne regrette ni ses quinze ans, ni son jeune sourire de l’autre jour. Elle courait sous les arbres, elle était la bonne fée de ma jeunesse. Non, je ne regrette rien de sa beauté ni de sa fraîcheur ; je regrette le rêve que j’ai fait en croyant sentir son cœur dans ses caresses.

Elle est là, déplorable, écrasée. J’ai bien le droit d’exiger qu’elle m’aime, qu’elle se livre à moi. Je l’accepte dans son être entier, je la veux telle qu’elle est, endormie & usée, mais je la veux, je la veux de toute ma volonté, de toute ma puissance.

Je me souviens que j’ai rêvé la rédemption, que je voulais en elle plus de raison, plus de pudeur. Que m’importe la pudeur, que m’importe la raison ? Je n’en ai que faire maintenant. J’exige de l’amour, quel qu’il soit, impudique & fou. Je suis avide d’être aimé, je ne veux plus aimer tout seul. Rien ne lasse le cœur comme des caresses qui ne sont pas rendues. J’ai donné à cette femme ma jeunesse, mes es-