Page:Zola - La Confession de Claude (Charpentier 1893).djvu/21

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notre rêve est encore trop séduisant pour que nous l’échangions contre la réalité.

Grondez-moi, frères, consolez-moi. Je ne fais que commencer à vivre, & je suis déjà bien triste. Ah ! que la mansarde de nos songes était blanche ! comme la fenêtre s’égayait au soleil, comme la pauvreté & la solitude y rendaient la vie studieuse & paisible ! La misère avait pour nous le luxe de la lumière & du sourire. Mais savez-vous combien est laide une vraie mansarde ? Savez-vous comme on a froid lorsqu’on est seul, sans fleurs, sans blancs rideaux où reposer les yeux ? Le jour & la gaieté passent sans entrer, n’osant s’aventurer dans cette ombre & dans ce silence.

Où sont mes prairies & mes ruisseaux ? où mes soleils couchants qui doraient les cimes des peupliers & changeaient les rochers de l’horizon en palais étincelants ? Me suis-je trompé, frères ? Ne suis-je qu’un enfant qui veut être homme avant l’âge ? Ai-je eu trop de confiance en ma force,