Page:Zola - La Confession de Claude (Charpentier 1893).djvu/213

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yeux fiévreux & agrandis ; il y avait de l’étonnement, de la tendresse dans ses regards larges. Une piété immense m’a serré au cœur en face de cette misérable. J’ai cru que j’allais pleurer.

Pâquerette est remontée, chargée de nouvelles bouteilles & de nouvelles viandes. Elle a ouvert la fenêtre, se plaignant du mauvais air ; elle s’est établie commodément dans le fauteuil, devant la table, puis s’est mise à manger bruyamment, parlant en mâchant, questionnant Marie sur ses amants, sur sa vie de la veille. Elle semblait ignorer que cette enfant était malade ; elle la traitait en paresseuse qui aime à garder le lit & à se faire plaindre. Je regardais cette femme avec dégoût, rapetissée sur elle-même, léchant ses doigts gras, ricanant, la bouche pleine, plaisantant la mourante, & me jetant des regards sournois & cyniques, de ces regards de courtisane affolée que certaines vieilles ont encore dans leurs yeux rougis.