Page:Zola - La Confession de Claude (Charpentier 1893).djvu/283

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teur de la tombe. Si, un jour, je sors de mes désespoirs, je devrai remercier le ciel de m’avoir permis de vivre assis au pied d’un lit de mort, de m’avoir fait ainsi partager les apaisements d’une agonie. J’aurai vécu parce qu’une enfant sera morte à mon côté.

Je regarde Marie. La fièvre épure sa chair de jour en jour. Elle rajeunit, elle devient petite fille, dans l’épuisement de son sang. Son visage, profondément creusé, exprime un désir ardent, celui du néant, du repos ; les yeux ont grandi, les lèvres pâles restent entrouvertes, comme pour faciliter le passage au souffle suprême. Elle attend, résignée, presque souriante, ignorante de la mort de même qu’elle a été ignorante de la vie.

Parfois, nous nous contemplons l’un l’autre, en face, pendant de longues heures. Je ne sais quelle pensée arrête la toux sur ses lèvres ; elle paraît emplie d’une idée unique qui suffit à la tenir éveillée,