Page:Zola - La Débâcle.djvu/101

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.


V


Le lendemain, le 26, Maurice se leva courbaturé, les épaules brisées, de sa nuit sous la tente. Il ne s’était pas habitué encore à la terre dure ; et, comme, la veille, on avait défendu aux hommes d’ôter leurs souliers, et que les sergents étaient passés, tâtant dans l’ombre, s’assurant que tous étaient bien chaussés et guêtrés, son pied n’allait guère mieux, endolori, brûlant de fièvre ; sans compter qu’il devait avoir pris un coup de froid aux jambes, ayant eu l’imprudence de les allonger hors des toiles, pour les détendre.

Jean lui dit tout de suite :

— Mon petit, si l’on doit marcher aujourd’hui, tu ferais bien de voir le major et de te faire coller dans une voiture.

Mais on ne savait rien, les bruits les plus contraires circulaient. On crut un moment qu’on se remettait en route, le camp fut levé, tout le corps d’armée s’ébranla et traversa Vouziers, en ne laissant sur la rive gauche de l’Aisne qu’une brigade de la deuxième division, pour continuer à surveiller la route de Monthois. Puis, brusquement, de l’autre côté de la ville, sur la rive droite, on s’arrêta, les faisceaux furent formés dans les champs et dans les prairies qui s’étendent aux deux bords de la route de Grand-Pré. Et, à ce moment, le départ du 4e hussards, s’éloignant au grand trot par cette route, fit faire toutes sortes de conjectures.

— Si l’on attend ici, je reste, déclara Maurice, à qui