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Page:Zola - La Débâcle.djvu/127

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VI


— Tonnerre de Dieu ! dit le lendemain matin Chouteau en s’éveillant, rompu et glacé sous la tente, je prendrais bien un bouillon, avec beaucoup de viande autour.

À Boult-aux-Bois, où l’on avait campé, il n’y avait eu, le soir, qu’une maigre distribution de pommes de terre, l’intendance étant de plus en plus ahurie et désorganisée par les marches et les contremarches continuelles, n’arrivant jamais à rencontrer les troupes aux rendez-vous donnés. On ne savait plus où prendre, par le désordre des chemins, les troupeaux migrateurs, et c’était la disette prochaine.

Loubet, en s’étirant, eut un ricanement désespéré.

— Ah ! fichtre, oui ! c’est fini, les oies à la ficelle !

L’escouade était maussade, assombrie. Quand on ne mangeait pas, ça n’allait pas. Et il y avait, en outre, cette pluie incessante, cette boue dans laquelle on venait de dormir.

Ayant vu Pache qui se signait, après avoir fait sa prière du matin, lèvres closes, Chouteau reprit furieusement :

— Demande-lui donc, à ton bon Dieu, qu’il nous envoie une paire de saucisses et une chopine à chacun.

— Ah ! si l’on avait seulement une miche, du pain tant qu’on en voudrait ! soupira Lapoulle qui souffrait de la faim plus que les autres, torturé par son gros appétit.

Mais le lieutenant Rochas les fit taire. Ce n’était pas une honte, de ne toujours songer qu’à son ventre ! Lui, bonnement, serrait la ceinture de son pantalon. Depuis