Page:Zola - La Débâcle.djvu/132

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des points brillants, aux épaules, sans doute les reflets d’épaulettes de cuivre, l’étonnèrent.

— Là-bas, regarde ! dit-il en poussant le coude de Jean, qu’il avait à côté de lui. Des uhlans.

Le caporal écarquilla les yeux.

— Ça !

C’étaient, en effet, des uhlans, les premiers Prussiens que le 106e apercevait. Depuis bientôt six semaines qu’il faisait campagne, non seulement il n’avait pas brûlé une cartouche, mais il en était encore à voir un ennemi. Le mot courut, toutes les têtes se tournèrent, au milieu d’une curiosité grandissante. Ils semblaient très bien, ces uhlans.

— Il y en a un qui a l’air joliment gras, fit remarquer Loubet.

Mais, à gauche du petit bois, sur un plateau, tout un escadron se montra. Et, devant cette apparition menaçante, un arrêt se fit dans la colonne. Des ordres arrivèrent, le 106e alla prendre position derrière des arbres, au bord d’un ruisseau. Déjà, de l’artillerie rebroussait chemin au galop, s’établissait sur un mamelon. Puis, pendant près de deux heures, on demeura là, en bataille, on s’attarda, sans que rien de nouveau se produisît. À l’horizon, la masse de cavalerie ennemie restait immobile. Et, comprenant enfin qu’on perdait un temps précieux, on repartit.

— Allons, murmura Jean avec regret, ce ne sera pas encore pour cette fois.

Maurice, lui aussi, avait les mains brûlantes du désir de lâcher au moins un coup de feu. Et il revenait sur la faute qu’on avait commise, la veille, en n’allant pas soutenir le 5e corps. Si les Prussiens n’attaquaient point, ce devait être qu’ils n’avaient pas encore assez d’infanterie à leur disposition ; de sorte que leurs démonstrations de cavalerie, à distance, ne pouvaient avoir d’autre but