Page:Zola - La Débâcle.djvu/138

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ture rouge, et avait un fusil en bandoulière. Tout de suite, il expliqua qu’il était Français, franc-tireur, sergent, et qu’il venait, avec deux de ses hommes, des bois de Dieulet, pour donner des renseignements au général.

— Eh ! Cabasse ! Ducat ! cria-t-il en se retournant, eh ! bougres de feignants, arrivez donc !

Sans doute, les deux hommes avaient eu peur, et ils s’approchèrent pourtant, Ducat petit et gros, blême, les cheveux rares, Cabasse grand et sec, la face noire, avec un long nez en lame de couteau.

Cependant, Maurice qui examinait de près le sergent, avec surprise, finit par lui demander :

— Dites donc, est-ce que vous n’êtes pas Guillaume Sambuc, de Remilly ?

Et, comme celui-ci, après une hésitation, l’air inquiet, disait oui, le jeune homme eut un léger mouvement de recul, car ce Sambuc passait pour être un terrible chenapan, digne fils d’une famille de bûcherons qui avait mal tourné, le père ivrogne, trouvé un soir la gorge coupée, au coin d’un bois, la mère et la fille mendiantes et voleuses, disparues, tombées à quelque maison de tolérance. Lui, Guillaume, braconnait, faisait la contrebande ; et un seul petit de cette portée de loups avait grandi honnête, Prosper, le chasseur d’Afrique, qui, avant d’avoir la chance d’être soldat, s’était fait garçon de ferme, en haine de la forêt.

— J’ai vu votre frère à Reims et à Vouziers, reprit Maurice. Il se porte bien.

Sambuc ne répondit pas. Puis, pour couper court :

— Menez-moi au général. Dites-lui que ce sont les francs-tireurs des bois de Dieulet, qui ont une communication importante à lui faire.

Alors, pendant qu’on revenait vers le camp, Maurice songea à ces compagnies franches, sur lesquelles on avait fondé tant d’espérances, et qui déjà, de partout, soulevaient