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Page:Zola - La Débâcle.djvu/233

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Prussiens ? Est-ce que les batailles ne réservaient pas leurs surprises, des revirements inattendus dont l’histoire gardait l’étonnement ? Ce diable d’homme ajoutait que Bazaine était en marche, qu’on l’attendait avant le soir : oh ! un renseignement sûr, qu’il tenait de l’aide de camp d’un général ; et, bien qu’il montrât la Belgique, pour indiquer la route par laquelle arrivait Bazaine, Maurice s’abandonna à une de ces crises d’espoir, sans lesquelles il ne pouvait vivre. Peut-être enfin était-ce la revanche.

— Qu’est-ce que nous attendons, mon lieutenant ? se permit-il de demander. On ne marche donc pas !

Rochas eut un geste, comme pour dire qu’il n’avait pas d’ordre. Puis, après un silence :

— Quelqu’un a-t-il vu le capitaine ?

Personne ne répondit. Jean se souvenait de l’avoir vu, dans la nuit, s’éloigner du côté de Sedan ; mais un soldat prudent ne doit jamais voir un chef, en dehors du service. Il se taisait, lorsque, en se retournant, il aperçut une ombre, qui revenait le long de la haie.

— Le voici, dit-il.

C’était, en effet, le capitaine Beaudoin. Il les étonna tous par la correction de sa tenue, son uniforme brossé, ses chaussures cirées, qui contrastaient si violemment avec le pitoyable état du lieutenant. Et il y avait en outre une coquetterie, comme des soins galants, dans ses mains blanches et la frisure de ses moustaches, un vague parfum de lilas de Perse qui sentait le cabinet de toilette bien installé de jolie femme.

— Tiens ! ricana Loubet, le capitaine a donc retrouvé ses bagages !

Mais personne ne sourit, car on le savait peu commode. Il était exécré, tenant ses hommes à l’écart. Un pète-sec, selon le mot de Rochas. Depuis les premières défaites, il avait l’air absolument choqué ; et le désastre que tous prévoyaient lui semblait surtout inconvenant. Bonapartiste