envoyé quelques obus là-bas ! Puis, une résolution folle l’envahit, celle de remplacer la roue immédiatement, sous le feu. Lorsque, aidé d’un servant, il fut allé lui-même chercher dans la prolonge une roue de rechange, la manœuvre de force commença, la plus dangereuse qui pût être faite sur le champ de bataille. Heureusement, les hommes et les chevaux haut-le-pied avaient fini par arriver, deux nouveaux servants donnèrent un coup de main.
Cependant, une fois encore, la batterie était démontée. On ne pouvait pousser plus loin la folie héroïque. L’ordre allait être crié de se replier définitivement.
— Dépêchons, camarades ! répétait Honoré. Nous l’emmènerons au moins, et ils ne l’auront pas !
C’était son idée, sauver sa pièce, ainsi qu’on sauve le drapeau. Et il parlait encore, lorsqu’il fut foudroyé, le bras droit arraché, le flanc gauche ouvert. Il était tombé sur la pièce, il y resta comme étendu sur un lit d’honneur, la tête droite, la face intacte et belle de colère, tournée là-bas, vers l’ennemi. Par son uniforme déchiré, venait de glisser une lettre, que ses doigts crispés avaient prise et que le sang tachait, goutte à goutte.
Le seul lieutenant qui ne fût pas mort, jeta le commandement :
— Amenez les avant-trains !
Un caisson avait sauté, avec un bruit de pièces d’artifice qui fusent et éclatent. On dut se décider à prendre les chevaux d’un autre caisson, pour sauver une pièce dont l’attelage était par terre. Et, cette dernière fois, quand les conducteurs eurent fait demi-tour et qu’on eut raccroché les quatre canons qui restaient, on galopa, on ne s’arrêta qu’à un millier de mètres, derrière les premiers arbres du bois de la Garenne.
Maurice avait tout vu. Il répétait, avec un petit grelottement d’horreur, d’une voix machinale :
— Oh ! le pauvre garçon ! le pauvre garçon !