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Page:Zola - La Débâcle.djvu/346

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s’en aller ainsi, trop jeune, sans avoir épuisé la joie d’être.

— Je vais mourir, je vais mourir… Ah ! c’est affreux…

Puis, tout d’un coup, il aperçut son uniforme souillé et déchiré, ses mains noires, et il parut souffrir de son état, devant des femmes. Une honte lui vint de s’abandonner ainsi, la pensée qu’il manquait de correction acheva de lui rendre toute une bravoure. Il réussit à reprendre d’une voix gaie :

— Seulement, si je meurs, je voudrais mourir les mains propres… Madame, vous seriez bien aimable de mouiller une serviette et de me la donner.

Gilberte courut, revint avec la serviette, voulut lui en frotter les mains elle-même. À partir de ce moment, il montra un très grand courage, soucieux de finir en homme de bonne compagnie. Delaherche l’encourageait, aidait sa femme à l’arranger d’une façon convenable. Et la vieille madame Delaherche, devant ce mourant, lorsqu’elle vit le ménage s’empresser ainsi, sentit s’en aller sa rancune. Une fois encore elle se tairait, elle qui savait et qui s’était juré de tout dire à son fils. À quoi bon désoler la maison, puisque la mort emportait la faute ?

Ce fut fini presque tout de suite. Le capitaine Beaudoin, qui s’affaiblissait, retomba dans son accablement. Une sueur glacée lui inondait le front et le cou. Il rouvrit un instant les yeux, tâtonna comme s’il eût cherché une couverture imaginaire, qu’il se mit à remonter jusqu’à son menton, les mains tordues, d’un mouvement doux et entêté.

— Oh ! j’ai froid, j’ai bien froid.

Et il passa, il s’éteignit, sans hoquet, et son visage tranquille, aminci, garda une expression d’infinie tristesse.

Delaherche veilla à ce que le corps, au lieu d’être porté au charnier, fût déposé dans une remise voisine. Il voulait forcer Gilberte, toute bouleversée et pleurante, à se