Page:Zola - La Débâcle.djvu/367

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— Ils l’ont fusillé à Bazeilles… Oui, j’étais là… Alors, comme je veux que le corps me soit rendu, j’ai eu une idée…

Elle ne nommait ni les Prussiens, ni Weiss. Tout le monde devait comprendre. Maurice, en effet, comprit. Il l’adorait, il eut un sanglot.

— Ma pauvre chérie !

Vers deux heures, lorsqu’elle était revenue à elle, Henriette s’était trouvée, à Balan, dans la cuisine de gens qu’elle ne connaissait pas, la tête tombée sur une table, pleurant. Mais ses larmes cessèrent. Chez cette silencieuse, si frêle, déjà l’héroïne se réveillait. Elle ne craignait rien, elle avait une âme ferme, invincible. Dans sa douleur, elle ne songeait plus qu’à ravoir le corps de son mari, pour l’ensevelir. Son premier projet fut, simplement, de retourner à Bazeilles. Tout le monde l’en détourna, lui en démontra l’impossibilité absolue. Aussi finit-elle par chercher quelqu’un, un homme qui l’accompagnerait, ou qui se chargerait des démarches nécessaires. Son choix tomba sur un cousin à elle, autrefois sous-directeur de la Raffinerie générale, au Chêne, à l’époque où Weiss y était employé. Il avait beaucoup aimé son mari, il ne lui refuserait pas son assistance. Depuis deux ans, à la suite d’un héritage fait par sa femme, il s’était retiré dans une belle propriété, l’Ermitage, dont les terrasses s’étageaient près de Sedan, de l’autre côté du fond de Givonne. Et c’était à l’Ermitage qu’elle se rendait, au milieu des obstacles, arrêtée à chaque pas, en continuel danger d’être piétinée et tuée.

Maurice, à qui elle expliquait brièvement son projet, l’approuva.

— Le cousin Dubreuil a toujours été bon pour nous… Il te sera utile…

Puis, une idée lui vint à lui-même. Le lieutenant Rochas voulait sauver le drapeau. Déjà, l’on avait proposé