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Page:Zola - La Débâcle.djvu/436

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II


Au moment où la colonne de prisonniers sortait de Torcy, il y eut une telle bousculade, que Maurice fut séparé de Jean. Il eut beau courir ensuite, il s’égara davantage. Et, lorsqu’il arriva enfin au pont, jeté sur le canal qui coupe la presqu’île d’Iges à sa base, il se trouva mêlé à des chasseurs d’Afrique, il ne put rejoindre son régiment.

Deux canons, tournés vers l’intérieur de la presqu’île, défendaient le passage du pont. Tout de suite après le canal, dans une maison bourgeoise, l’état-major prussien avait installé un poste, sous les ordres d’un commandant, chargé de la réception et de la garde des prisonniers. Du reste, les formalités étaient brèves, on comptait simplement comme des moutons les hommes qui entraient, au petit bonheur de la cohue, sans trop s’inquiéter des uniformes ni des numéros ; et les troupeaux s’engouffraient, allaient camper où les poussait le hasard des routes.

Maurice crut pouvoir s’adresser à un officier bavarois, qui fumait, tranquillement assis à califourchon sur une chaise.

— Le 106e de ligne, monsieur, par où faut-il passer ?

L’officier, par exception, ne comprenait-il pas le français ? s’amusa-t-il à égarer un pauvre diable de soldat ? Il eut un sourire, il leva la main, fit le signe d’aller tout droit.

Bien que Maurice fût du pays, il n’était jamais venu dans la presqu’île, il marcha dès lors à la découverte,