Aller au contenu

Page:Zola - La Débâcle.djvu/525

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Du coup, le père Fouchard se leva, soulagé, criant à pleine voix :

— Silvine ! Silvine !… Il y a quelqu’un pour toi !

Et il s’en alla, sans crainte désormais, puisque la fille était là pour protéger la maison. Quand ça tient un homme si longtemps, après des années, il est fichu.

Lorsque Silvine entra, elle ne fut pas surprise de trouver Goliath, qui était resté assis et qui la regardait avec son bon sourire, un peu gêné pourtant. Elle l’attendait, elle s’arrêta simplement, après avoir franchi le seuil, dans un raidissement de tout son être. Et Charlot qui la rejoignait en courant, se jeta dans ses jupes, étonné d’apercevoir un homme qu’il ne connaissait pas.

Il y eut un silence, un embarras de quelques secondes.

— Alors, c’est le petit ? finit par demander Goliath, de sa voix conciliante.

— Oui, répondit Silvine durement.

Le silence recommença. Il était parti au septième mois de sa grossesse, il savait bien qu’il avait un enfant, mais il le voyait pour la première fois. Aussi voulut-il s’expliquer, en garçon de sens pratique qui est convaincu d’avoir de bonnes raisons.

— Voyons, Silvine, je comprends bien que tu m’as gardé de la rancune. Ce n’est pourtant pas très juste… Si je suis parti, et si je t’ai fait cette grosse peine, tu aurais dû te dire déjà que c’était peut-être parce que je n’étais pas mon maître. Quand on a des chefs, on doit leur obéir, n’est-ce pas ? Ils m’auraient envoyé à cent lieues, à pied, que j’aurais fait le chemin. Et, naturellement, je ne pouvais pas parler : ça m’a assez crevé le cœur, de m’en aller ainsi, sans te souhaiter le bonsoir… Aujourd’hui, mon Dieu ! je ne te raconterai pas que j’étais certain de revenir. Cependant, j’y comptais bien, et, tu le vois, me revoilà…

Elle avait détourné la tête, elle regardait la neige de la