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Page:Zola - La Débâcle.djvu/531

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était revenue, peu à peu enveloppante, pressante ; et, maintenant, elle s’imposait, de toute la force victorieuse de sa simplicité et de son absolu. Goliath mort, Jean, Prosper, le père Fouchard, n’avaient plus rien à craindre. Elle-même gardait Charlot, que jamais plus personne ne lui disputait. Et c’était encore autre chose, une chose profonde, ignorée d’elle, qui montait du fond de son être : le besoin d’en finir, d’effacer la paternité en supprimant le père, la joie sauvage de se dire qu’elle en sortirait comme amputée de sa faute, mère et seule maîtresse de l’enfant, sans partage avec un mâle. Tout un jour encore, elle roula ce projet, n’ayant plus l’énergie de le repousser, ramenée quand même aux détails du guet-apens, prévoyant, combinant les moindres faits. C’était, à cette heure, l’idée fixe, l’idée qui a planté son clou, qu’on cesse de raisonner ; et, lorsqu’elle finit par agir, par obéir à cette poussée de l’inévitable, elle marcha comme dans un rêve, sous la volonté d’une autre, de quelqu’un qu’elle n’avait jamais connu en elle.

Le dimanche, le père Fouchard, inquiet, avait fait savoir aux francs-tireurs qu’on leur porterait leur sac de pains dans les carrières de Boisville, un coin très solitaire, à deux kilomètres ; et, Prosper se trouvant occupé, ce fut Silvine qu’il envoya, avec la brouette. N’était-ce point le sort qui décidait ? Elle vit là un arrêt du destin, elle parla, donna le rendez-vous à Sambuc pour le lendemain soir, d’une voix nette, sans fièvre, comme si elle n’avait pu faire autrement. Le lendemain, il y eut encore des signes, des preuves certaines que les gens, que les choses mêmes voulaient le meurtre. D’abord, ce fut le père Fouchard, appelé brusquement à Raucourt, qui laissa l’ordre de dîner sans lui, prévoyant qu’il ne rentrerait guère avant huit heures. Ensuite, Henriette, dont le tour de veillée, à l’ambulance, ne revenait que le mardi, reçut l’avis, très tard, qu’elle aurait à remplacer le soir la