Malheur à qui s’arrête dans l’effort continu des nations, la victoire est à ceux qui marchent à l’avant-garde, aux plus savants, aux plus sains, aux plus forts !
Mais, à ce moment, il y eut des rires, des cris de fille qu’on force et qui plaisante. C’était le lieutenant Rochas, qui, dans la vieille cuisine enfumée, égayée d’images d’Épinal, tenait entre ses bras la jolie servante, en troupier conquérant. Il parut sous la tonnelle, où il se fit servir un café ; et, comme il avait entendu les dernières paroles de Coutard et de Picot, il intervint gaiement :
— Bah ! mes enfants, ce n’est rien, tout ça ! C’est le commencement de la danse, vous allez voir la sacrée revanche, à cette heure !… Pardi ! jusqu’à présent, ils se sont mis cinq contre un. Mais ça va changer, c’est moi qui vous en fiche mon billet !… Nous sommes trois cent mille, ici. Tous les mouvements que nous faisons et qu’on ne comprend pas, c’est pour attirer les Prussiens sur nous, tandis que Bazaine, qui les surveille, va les prendre en queue… Alors, nous les aplatissons, crac ! comme cette mouche !
D’une claque sonore, entre ses mains, il avait écrasé une mouche au vol ; et il s’égayait plus haut, et il croyait de toute son innocence à ce plan si aisé, retombé d’aplomb dans sa foi au courage invincible. Obligeamment, il indiqua aux deux soldats la place exacte de leur régiment ; puis, heureux, un cigare aux dents, il s’installa devant sa demi-tasse.
— Le plaisir a été pour moi, camarades ! répondit Maurice à Coutard et à Picot qui s’en allaient, en le remerciant de son fromage et de sa bouteille de vin.
Il s’était fait également servir une tasse de café, et il regardait le lieutenant, gagné par sa belle humeur, un peu surpris pourtant des trois cent mille hommes, lorsqu’on n’était guère plus de cent mille, et de sa singulière facilité à écraser les Prussiens entre l’armée de Châlons