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LES ROUGON-MACQUART.

goûtant des joies terribles, ne cherchant même plus à me dégager du tas de terre qui pesait sur ma poitrine… Où étais-je donc ? qui donc m’a mis enfin à la lumière ?

Il faisait des efforts de mémoire, tandis qu’Albine, anxieuse, redoutait maintenant qu’il ne se souvînt. Elle prit en souriant une poignée de ses cheveux, la noua au cou du jeune homme, qu’elle attacha à elle. Ce jeu le fit sortir de sa rêverie.

— Tu as raison, dit-il, je suis à toi, qu’importe le reste !… C’est toi, n’est-ce pas, qui m’as tiré de la terre ? Je devais être sous ce jardin. Ce que j’entendais, c’étaient tes pas roulant les petits cailloux du sentier. Tu me cherchais, tu apportais sur ma tête des chants d’oiseaux, des odeurs d’œillets, des chaleurs de soleil… Et je me doutais bien que tu finirais par me trouver. Je t’attendais, vois-tu, depuis longtemps. Mais je n’espérais pas que tu te donnerais à moi sans ton voile, avec tes cheveux dénoués, tes cheveux redoutables qui sont devenus si doux.

Il la prit sur lui, la renversa sur ses genoux, en mettant son visage à côté du sien.

— Ne parlons plus. Nous sommes seuls à jamais. Nous nous aimons.

Ils demeurèrent innocemment aux bras l’un de l’autre. Longtemps encore, ils s’oublièrent là. Le soleil montait, une poussière de jour plus chaude tombait des hautes branches. Les roses jaunes, les roses blanches, les roses rouges, n’étaient plus qu’un rayonnement de leur joie, une de leurs façons de se sourire. Ils avaient certainement fait éclore des boutons autour d’eux. Les roses les couronnaient, leur jetaient des guirlandes aux reins. Et le parfum des roses devenait si pénétrant, si fort d’une tendresse amoureuse, qu’il semblait être le parfum même de leur haleine.

Puis, ce fut Serge qui recoiffa Albine. Il prit ses cheveux