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LA FAUTE DE L’ABBÉ MOURET.

jouer. Est-ce que ça ne te plaît pas davantage, de marcher ainsi, à côté de moi, bien tranquille ?

Elle marchait, en effet, d’une si agréable façon, qu’il prenait le plus beau plaisir du monde à entendre le petit claquement de ses bottines sur la terre dure de l’allée. Jamais il n’avait fait attention au balancement de sa taille, à la traînée vivante de sa jupe, qui la suivait d’un frôlement de couleuvre. C’était une joie qu’il n’épuiserait pas, de la voir ainsi s’en aller posément à côté de lui, tant il découvrait de nouveaux charmes dans la moindre souplesse de ses membres.

— Tu as raison, cria-t-il. C’est plus amusant que tout. Je t’accompagnerais au bout de la terre, si tu voulais.

Cependant, à quelques pas de là, il la questionna pour savoir si elle n’était pas lasse. Puis, il laissa entendre qu’il se reposerait lui-même volontiers.

— Nous pourrions nous asseoir, balbutia-t-il.

— Non, répondit-elle, je ne veux pas !

— Tu sais, nous nous coucherions comme l’autre jour, au milieu des prés. Nous aurions chaud, nous serions à notre aise.

— Je ne veux pas ! Je ne veux pas !

Elle s’était écartée d’un bond, avec l’épouvante de ces bras d’homme qui se tendaient vers elle. Lui, l’appela grande bête, voulut la rattraper. Mais, comme il la touchait à peine du bout des doigts, elle poussa un cri, si désespéré, qu’il s’arrêta, tout tremblant.

— Je t’ai fait mal ?

Elle ne répondit pas tout de suite, étonnée elle-même de son cri, souriant déjà de sa peur.

— Non, laisse-moi, ne me tourmente pas… Qu’est-ce que nous ferions, quand nous serions assis ? J’aime mieux marcher.

Et elle ajouta, d’un air grave qui feignait de plaisanter :