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Page:Zola - La Faute de l'abbé Mouret.djvu/324

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LES ROUGON-MACQUART.

dressait avec des héroïsmes de martyr, il souhaitait des tortures effroyables pour les endurer sans un seul frisson de sa chair.

Dès le petit jour, il s’agenouilla devant le crucifix. Et la grâce vint, abondante comme une rosée. Il ne fit pas d’effort, il n’eut qu’à plier les genoux, pour la recevoir sur le cœur, pour en être trempé jusqu’aux os, d’une façon délicieusement douce. La veille, il avait agonisé, sans qu’elle descendît. Elle restait longtemps sourde à ses lamentations de damné ; elle le secourait souvent, lorsque, d’un geste d’enfant, il ne savait plus que joindre les mains. Ce fut, ce matin-là, une bénédiction, un repos absolu, une foi entière. Il oublia ses angoisses des jours précédents. Il se donna tout à la joie triomphale de la Croix. Une armure lui montait aux épaules, si impénétrable, que le monde s’émoussait sur elle. Quand il descendit, il marchait dans un air de victoire et de sérénité. La Teuse émerveillée alla chercher Désirée, pour qu’il l’embrassât. Toutes deux tapaient des mains, en criant qu’il n’avait pas eu si bonne mine depuis six mois.

Dans l’église, pendant la grand’messe, le prêtre acheva de retrouver Dieu. Il y avait longtemps qu’il ne s’était approché de l’autel avec un tel attendrissement. Il dut se contenir, pour ne pas éclater en larmes, la bouche collée sur la nappe. C’était une grand’messe solennelle. L’oncle de la Rosalie, le garde-champêtre, chantait au lutrin, d’une voix de basse dont le ronflement emplissait d’un chant d’orgue la voûte écrasée. Vincent, habillé d’un surplis trop large, qui avait appartenu à l’abbé Caffin, balançait un vieil encensoir d’argent, prodigieusement amusé par le bruit des chaînettes, encensant très-haut pour obtenir beaucoup de fumée, regardant derrière lui si ça ne faisait tousser personne. L’église était presque pleine. On avait voulu voir les peintures de monsieur le curé. Des paysannes riaient, parce