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LES ROUGON-MACQUART.

— Pardi ! à moins qu’il ne soit aveugle, murmura le docteur, en la suivant dans la pièce froide, aux meubles durs, qu’elle appelait pompeusement le salon.

Il se promena quelques minutes, de long en large. La pièce, d’une tristesse grise, redoublait sa mauvaise humeur. Tout en marchant, il donnait du bout de sa canne de petits coups sur le crin mangé des siéges, qui avaient le son cassant de la pierre. Puis, fatigué, il s’arrêta devant la cheminée, où un grand saint Joseph, abominablement peinturluré, tenait lieu de pendule.

— Ah ! ce n’est pas malheureux ! dit-il, lorsqu’il entendit le bruit de la porte.

Et s’avançant vers l’abbé :

— Sais-tu que tu m’as fait avaler la moitié d’une messe ? Il y a longtemps que ça ne m’était arrivé… Enfin, je tenais absolument à te voir aujourd’hui. Je voulais causer avec toi.

Il n’acheva pas. Il regardait le prêtre avec surprise. Il y eut un silence.

— Tu te portes bien, toi ? reprit-il enfin d’une voix changée.

— Oui, je vais beaucoup mieux, dit l’abbé Mouret en souriant. Je ne vous attendais que jeudi. Ce n’est pas votre jour, le dimanche… Vous avez quelque chose à me communiquer ?

Mais l’oncle Pascal ne répondit pas sur-le-champ. Il continuait d’examiner l’abbé. Celui-ci était encore tout trempé des tiédeurs de l’église ; il apportait dans ses cheveux l’odeur de l’encens ; il gardait au fond de ses yeux la joie de la Croix. L’oncle hocha la tête, en face de cette paix triomphante.

— Je sors du Paradou, dit-il brusquement. Jeanbernat est venu me chercher cette nuit… J’ai vu Albine. Elle m’inquiète. Elle a besoin de beaucoup de ménagements.