Page:Zola - La Faute de l'abbé Mouret.djvu/390

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XII


Derrière la muraille, à quelques pas, Albine était assise sur un tapis d’herbe. Elle se leva, en apercevant Serge.

— Te voilà ! cria-t-elle toute tremblante.

— Oui, dit-il paisiblement, je suis venu.

Elle se jeta à son cou. Mais elle ne l’embrassa pas. Elle avait senti le froid des perles du rabat sur son bras nu. Elle l’examinait, inquiète déjà, reprenant :

— Qu’as-tu ? Tu ne m’as pas baisé sur les joues comme autrefois, tu sais, lorsque tes lèvres chantaient… Va, si tu es souffrant, je te guérirai encore. Maintenant que tu es là, nous allons recommencer notre bonheur. Il n’y a plus de tristesse… Tu vois, je souris. Il faut sourire, Serge.

Et comme il restait grave :

— Sans doute, j’ai eu aussi bien du chagrin. Je suis encore toute pâle, n’est-ce pas ? Depuis huit jours, je vivais là, sur l’herbe où tu m’as trouvée. Je ne voulais qu’une chose, te voir entrer par ce trou de la muraille. À chaque bruit, je me levais, je courais à ta rencontre. Et ce n’était pas toi, c’étaient des feuilles que le vent emportait… Mais