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LES ROUGON-MACQUART.

taines, les belles de nuit, les héliotropes, les lis. Et, sans reprendre haleine, elle redescendit.

Cette fois, elle se rendit à ce coin mélancolique qui était comme le cimetière du parterre. Un automne brûlant y avait mis une seconde poussée des fleurs du printemps. Elle s’acharna surtout sur des plates-bandes de tubéreuses et de jacinthes, à genoux au milieu des herbes, menant sa récolte avec des précautions d’avare. Les tubéreuses semblaient pour elle des fleurs précieuses, qui devaient distiller goutte à goutte de l’or, des richesses, des biens extraordinaires. Les jacinthes, toutes perlées de leurs grains fleuris, étaient comme des colliers dont chaque perle allait lui verser des joies ignorées aux hommes. Et, bien qu’elle disparût dans la brassée de jacinthes et de tubéreuses qu’elle avait coupée, elle ravagea plus loin un champ de pavots, elle trouva moyen de raser encore un champ de soucis. Par-dessus les tubéreuses, par-dessus les jacinthes, les soucis et les pavots s’entassèrent. Elle revint en courant se décharger dans la chambre au plafond bleu, veillant à ce que le vent ne lui volât pas un pistil. Elle redescendit.

Qu’allait-elle cueillir maintenant ? Elle avait moissonné le parterre entier. Quand elle se haussait sur les pieds, elle ne voyait plus, sous l’ombre encore grise, que le parterre mort, n’ayant plus les yeux tendres de ses roses, le rire rouge de ses œillets, les cheveux parfumés de ses héliotropes. Pourtant, elle ne pouvait remonter les bras vides. Et elle s’attaqua aux herbes, aux verdures ; elle rampa, la poitrine contre le sol, cherchant dans une suprême étreinte de passion à emporter la terre elle-même. Ce fut la moisson des plantes odorantes, les citronnelles, les menthes, les verveines, dont elle emplissait sa jupe. Elle rencontra une bordure de baume et n’en laissa pas une feuille. Elle prit même deux grands fenouils, qu’elle jeta sur ses épaules, ainsi que deux arbres. Si elle avait pu, entre ses dents serrées, elle aurait emmené