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LES ROUGON-MACQUART.

aussi propre que la mienne, à présent… Tu sais, j’ai trois oies et deux dindes. Viens vite. Tu verras tout.

Désirée avait alors vingt-deux ans. Grandie à la campagne, chez sa nourrice, une paysanne de Saint-Eutrope, elle avait poussé en plein fumier. Le cerveau vide, sans pensées graves d’aucune sorte, elle profitait du sol gras, du plein air de la campagne, se développant toute en chair, devenant une belle bête, fraîche, blanche, au sang rose, à la peau ferme. C’était comme une ânesse de race qui aurait eu le don du rire. Bien que pataugeant du matin au soir, elle gardait ses attaches fines, les lignes souples de ses reins, l’affinement bourgeois de son corps de vierge ; si bien qu’elle était une créature à part, ni demoiselle, ni paysanne, une fille nourrie de la terre, avec une ampleur d’épaules et un front borné de jeune déesse.

Sans doute, ce fut sa pauvreté d’esprit qui la rapprocha des animaux. Elle n’était à l’aise qu’en leur compagnie, entendait mieux leur langage que celui des hommes, les soignait avec des attendrissements maternels. Elle avait, à défaut de raisonnement suivi, un instinct qui la mettait de plain-pied avec eux. Au premier cri qu’ils poussaient, elle savait où était leur mal. Elle inventait des friandises sur lesquelles ils tombaient gloutonnement. Elle mettait la paix d’un geste dans leurs querelles, semblait connaître d’un regard leur caractère bon ou mauvais, racontait des histoires considérables, donnait des détails si abondants, si précis, sur les façons d’être du moindre poussin, qu’elle stupéfiait profondément les gens pour lesquels un petit poulet ne se distingue en aucune façon d’un autre petit poulet. Sa basse-cour était ainsi devenue tout un pays, où elle régnait en maîtresse absolue ; un pays d’une organisation très-compliquée, troublé par des révolutions, peuplé des êtres les plus différents, dont elle seule connaissait les annales. Cette certitude de l’instinct allait si loin, qu’elle