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LA FAUTE DE L’ABBÉ MOURET.

dans une chaleur de duvet. Enfin, un seul chat s’entêta à vouloir rester sur son dos.

— C’est Moumou, dit-elle. Il a des pattes comme du velours.

Puis, orgueilleusement, montrant la basse-cour à son frère, elle ajouta :

— Tu vois comme c’est propre !

La basse-cour, en effet, était balayée, lavée, ratissée. Mais de ces eaux sales remuées, de cette litière retournée à la fourche, s’exhalait une odeur fauve, si pleine de rudesse, que l’abbé Mouret se sentit pris à la gorge. Le fumier s’élevait contre le mur du cimetière en un tas énorme qui fumait.

— Hein ! quel tas ! reprit Désirée, en menant son frère dans la vapeur âcre. J’ai tout mis là, personne ne m’a aidée… Va, ce n’est pas sale. Ça nettoie. Regarde mes bras.

Elle allongeait ses bras, qu’elle avait simplement trempés au fond d’un seau d’eau, des bras royaux, d’une rondeur superbe, poussés comme des roses blanches et grasses, dans ce fumier.

— Oui, oui, murmura le prêtre, tu as bien travaillé. C’est très-joli, maintenant.

Il se dirigeait vers la barrière ; mais elle l’arrêta.

— Attends donc ! Tu vas tout voir. Tu ne te doutes pas…

Elle l’entraîna sous le hangar, devant la lapinière.

— Il y a des petits dans toutes les cases, dit-elle, en tapant les mains d’enthousiasme.

Alors, longuement, elle lui expliqua les portées. Il fallut qu’il s’accroupît, qu’il mît le nez contre le treillage, pendant qu’elle donnait des détails minutieux. Les mères, avec leurs grandes oreilles anxieuses, les regardaient de biais, soufflantes, clouées de peur. Puis, c’était, dans une case, un trou de poils, au fond duquel grouillait un tas vivant,