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Page:Zola - Le Capitaine Burle et 5 autres nouvelles.djvu/197

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allongeant les ombres grêles des grands treuils.

De l’autre côté de la ville, au nord, il y a aussi des coins de tristesse navrants. Les faubourgs populeux, Montmartre, la Chapelle, la Villette, viennent y mourir, dans un étalage de misère effroyable. Ce n’est pas la plaine nue, la laideur d’un sol ravagé ; c’est l’ordure humaine, le grouillement d’une population de meurt-de-faim. Des masures effondrées alignent des bouts de ruelles ; du linge sale pend aux fenêtres ; des enfants en guenilles se roulent dans les bourbiers. Seuil épouvantable de Paris, où toutes les boues s’amassent, et sur lequel un étranger s’arrêterait en tremblant.

Je me souviens, étant jeune, d’être arrivé à Paris par les diligences, et d’avoir éprouvé là une des plus cruelles déceptions de ma vie. Je m’attendais à une succession de palais, et pendant près d’une lieue, la lourde voiture roulait entre des constructions borgnes, des cabarets, des maisons suspectes, toute une bourgade, jetée aux deux bords. Puis, on s’enfonçait dans des rues noires. Paris se montrait plus étranglé et plus sombre que la petite ville qu’on venait de quitter.