Page:Zola - Le Capitaine Burle et 5 autres nouvelles.djvu/20

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

son absinthe et à user son billard. On crut un instant qu’elle serait forcée de vendre. Mais cette vie lui plaisait, et pour une dame l’installation était toute faite. Il ne lui fallait jamais que quelques clients, la grande salle pouvait rester vide. Elle se contenta donc de faire coller du papier blanc et or dans le divan et de renouveler la moleskine des banquettes. D’abord, elle y tint compagnie à un pharmacien ; puis, vinrent un fabricant de vermicelle, un avoué, un magistrat en retraite. Et ce fut ainsi que le Café demeura ouvert, bien que le garçon n’y servît pas vingt consommations en un jour. L’autorité tolérait l’établissement, parce que les convenances étaient gardées et qu’en somme beaucoup de gens respectables se seraient trouvés compromis.

Le soir, dans la grande salle, quatre ou cinq petits rentiers du voisinage faisaient quand même leur partie de dominos. Cartier était mort, le Café de Paris avait pris d’étranges allures ; eux, ne voyaient rien, conservaient leurs habitudes. Comme le garçon devenait inutile, Mélanie finit par le congédier. C’était Phrosine qui allumait un seul bec de gaz, dans un coin, pour la partie des petits rentiers. Parfois, une bande de jeunes gens, attirés par les histoires qu’on racontait, après