Page:Zola - Le Capitaine Burle et 5 autres nouvelles.djvu/23

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Il était près de dix heures, lorsque le major Laguitte rouvrit furieusement la porte du Café de Paris. Par le battant, lancé à toute volée, on aperçut un instant la place du Palais, noire, changée en un lac de fange liquide, bouillonnante sous la terrible averse. Le major, trempé cette fois jusqu’à la peau, laissant derrière lui un fleuve, marcha droit au comptoir, où Phrosine lisait un roman.

— Bougresse ! cria-t-il, c’est toi qui te fous des militaires ?… Tu mériterais…

Et il leva la main, il ébaucha une claque à assommer un bœuf. La petite bonne se reculait, effarée, tandis que les bourgeois, béants, tournaient la tête sans comprendre. Mais le major ne s’attarda pas ; il poussa la porte du divan, tomba entre Burle et Mélanie, juste au moment où celle-ci, par gentillesse, faisait boire un grog au capitaine à petites cuillerées, comme on donne la becquée à un serin favori. Il n’était venu, ce soir-là, que le magistrat en retraite et le pharmacien, qui tous deux s’en étaient allés de bonne heure, pris de tristesse. Et Mélanie, ayant besoin de trois cents francs le lendemain, profitait de l’occasion pour se montrer câline.

— Voyons, le chéri à sa mère… Donnez votre bec… C’est bon, hein ? petit cochon !