Page:Zola - Le Capitaine Burle et 5 autres nouvelles.djvu/25

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conduire aux galères tous les deux. Est-ce que c’est propre, ça ? Est-ce qu’on se fait des plaisanteries pareilles, quand on se connaît depuis trente ans ?

Burle, retombé sur sa chaise, était devenu livide. Un grelottement de fiévreux agitait ses membres. Le major continua, en marchant autour de lui, et en donnant des coups de poing sur les tables :

— Alors, tu as volé comme un gratte-papier, et pour ce grand chameau !… Encore, si tu avais volé pour ta mère, ce serait honorable. Mais, nom de Dieu ! aller manger la grenouille et apporter la monnaie dans cette baraque, c’est ça qui m’enrage !… Dis ? qu’as-tu donc dans le coco pour te crever à ton âge, avec un pareil gendarme ? Ne mens pas, je vous ai vus tout à l’heure faire vos saletés.

— Tu joues bien, toi, bégaya le capitaine.

— Oui, je joue, tonnerre ! reprit le major, dont cette remarque redoubla la fureur, et je suis un sacré cochon de jouer, parce que ça me mange tout mon saint-frusquin, et que ce n’est guère à l’honneur de l’armée française. Mais, cré nom de Dieu ! si je joue, je ne vole pas !… Crève, toi, si tu veux, laisse mourir de faim la maman et le moutard, seulement respecte la caisse et ne fous pas les amis dans l’embarras !