Page:Zola - Le Capitaine Burle et 5 autres nouvelles.djvu/30

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major lui assurât, aux prochaines adjudications, la fourniture de la viande. C’était une chose arrangée.

— Hein ? reprit Laguitte, doit-il faire du rabiot, l’animal, pour nous lâcher ainsi deux mille francs !

Burle, étranglé d’émotion, avait saisi les mains de son vieil ami. Il ne put que balbutier des remerciements confus. La saleté que le major venait de commettre pour le sauver, le touchait aux larmes.

— C’est bien la première fois, grognait celui-ci. Il le fallait… Nom de Dieu ! ne pas avoir deux mille francs dans son secrétaire ! C’est à vous dégoûter de jamais toucher une carte… Tant pis pour moi ! Je suis un pas grand’chose… Seulement, écoute, ne recommence pas, car du diable si je recommence, moi !

Le capitaine l’embrassa. Quand il fut rentré, le major resta un instant devant la porte, pour être certain qu’il se couchait. Puis, comme minuit sonnait et que la pluie battait toujours la ville noire, il rentra péniblement chez lui. L’idée de ses hommes le navrait. Il s’arrêta, il dit tout haut d’une voix changée, pleine d’une piété tendre :

— Les pauvres bougres ! vont-ils en avaler de la vache, pour deux mille francs !