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Page:Zola - Le Capitaine Burle et 5 autres nouvelles.djvu/313

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nait d’une grandeur souveraine. La nuit, tombée complètement, gardait une limpidité de nuit d’été. C’était un ciel sans lune, mais un ciel criblé d’étoiles, d’un bleu si pur, qu’il emplissait l’espace d’une lumière bleue. Il semblait que le crépuscule se continuait, tant l’horizon restait clair. Et la nappe immense s’élargissait encore sous cette douceur du ciel, toute blanche, comme lumineuse elle-même d’une clarté propre, d’une phosphorescence qui allumait de petites flammes à la crête de chaque flot. On ne distinguait plus la terre, la plaine devait être envahie. Par moments, j’oubliais le danger. Un soir, du côté de Marseille, j’avais aperçu ainsi la mer, j’étais resté devant elle béant d’admiration.

— L’eau monte, l’eau monte, répétait mon frère Pierre, en cassant toujours entre ses dents le tuyau de sa pipe, qu’il avait laissée s’éteindre.

L’eau n’était plus qu’à un mètre du toit. Elle perdait sa tranquillité de nappe dormante. Des courants s’établissaient. À une certaine hauteur, nous cessions d’être protégés par le pli de terrain, qui se trouve en avant du village. Alors, en moins d’une heure, l’eau devint menaçante, jaune, se ruant sur la maison, charriant des épaves, tonneaux défoncés, pièces de bois, pa-