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Page:Zola - Le Capitaine Burle et 5 autres nouvelles.djvu/322

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L’eau, alors, commença l’assaut. Jusque-là, le courant avait suivi la rue ; mais les décombres qui la barraient à présent, le faisaient refluer. Ce fut une attaque en règle. Dès qu’une épave, une poutre, passait à la portée du courant, il la prenait, la balançait, puis la précipitait contre la maison comme un bélier. Et il ne la lâchait plus, il la retirait en arrière, pour la lancer de nouveau, en battait les murs à coups redoublés, régulièrement. Bientôt, dix, douze poutres nous attaquèrent ainsi à la fois, de tous les côtés. L’eau rugissait. Des crachements d’écume mouillaient nos pieds. Nous entendions le gémissement sourd de la maison pleine d’eau, sonore, avec ses cloisons qui craquaient déjà. Par moments, à certaines attaques plus rudes, lorsque les poutres tapaient d’aplomb, nous pensions que c’était fini, que les murailles s’ouvraient et nous livraient à la rivière, par leurs brèches béantes.

Gaspard s’était risqué au bord même du toit. Il parvint à saisir une poutre, la tira de ses gros bras de lutteur.

— Il faut nous défendre, criait-il.

Jacques, de son côté, s’efforçait d’arrêter au passage une longue perche. Pierre l’aida. Je maudissais l’âge, qui me laissait sans force, aussi faible qu’un enfant. Mais la défense s’organisait, un duel, trois