Page:Zola - Le Capitaine Burle et 5 autres nouvelles.djvu/68

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chaque objet est à sa place, les potions disparaissent sans tacher un meuble. Les faces rasées des domestiques ne se permettent même pas d’exprimer un sentiment d’ennui. Cependant, le comte sait qu’il est en danger de mort ; il a exigé la vérité des médecins, et il les laisse agir, sans une plainte. Le plus souvent, il demeure les yeux fermés, ou bien il regarde fixement devant lui, comme s’il réfléchissait à sa solitude.

Dans le monde, la comtesse dit que son mari est souffrant. Elle n’a rien changé à son existence, mange et dort, se promène à ses heures. Chaque matin et chaque soir, elle vient elle-même demander au comte comment il se porte.

— Eh bien ? allez-vous mieux, mon ami ?

— Mais oui, beaucoup mieux, je vous remercie, ma chère Mathilde.

— Si vous le désiriez, je resterais près de vous.

— Non, c’est inutile. Julien et François suffisent… À quoi bon vous fatiguer ?

Entre eux, ils se comprennent, ils ont vécu séparés et tiennent à mourir séparés. Le comte a cette jouissance amère de l’égoïste, désireux de s’en aller seul, sans avoir autour de sa couche l’ennui des comédies de la douleur. Il abrège le plus possible, pour lui et pour la comtesse, le désagrément