Page:Zola - Le Capitaine Burle et 5 autres nouvelles.djvu/7

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patriotisme, qui la tenaient rigide, comme séchée sous la rudesse de la discipline. Rarement une plainte lui échappait. Quand son fils était devenu veuf, après cinq ans de mariage, elle avait naturellement accepté l’éducation de Charles, avec la sévérité d’un sergent chargé d’instruire les recrues. Elle surveillait l’enfant, sans lui tolérer un caprice ni une irrégularité, le forçant à veiller jusqu’à minuit, et veillant elle-même, si les devoirs n’étaient pas faits. Charles, de tempérament délicat, grandissait très pâle sous cette règle implacable, la face éclairée par de beaux yeux, trop grands et trop clairs.

Dans ses longs silences, madame Burle ne remuait jamais qu’une même idée : son fils avait trahi son espoir. Cela suffisait à l’occuper, lui faisait revivre sa vie, depuis la naissance du petit, qu’elle voyait atteindre les plus hauts grades, au milieu d’un fracas de gloire, jusqu’à cette existence étroite de garnison, ces journées mornes et toujours semblables, cette chute dans ce poste de capitaine-trésorier, dont il ne sortirait pas, et où il s’appesantissait. Pourtant, les débuts l’avaient gonflée d’orgueil ; un instant, elle put croire son rêve réalisé. Burle quittait à peine l’école de Saint-Cyr, lorsqu’il s’était distingué à la bataille de Solférino,