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Page:Zola - Le Capitaine Burle et 5 autres nouvelles.djvu/9

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jolie, délicate, que le capitaine avait eu la bêtise d’épouser, ne pouvant en faire sa maîtresse, fou de désir. Puis, la mère morte, le père vautré dans son vice, madame Burle s’était remise à rêver devant le pauvre être souffreteux, qu’elle élevait à grand’peine. Elle le voulait fort, il serait le héros que Burle avait refusé d’être ; et, dans sa froideur sévère, elle le regardait pousser avec anxiété, lui tâtant les membres, lui enfonçant du courage dans le crâne. Peu à peu, aveuglée par sa passion, elle avait cru qu’elle tenait enfin l’homme de sa famille. L’enfant, de nature tendre et rêveuse, avait une horreur physique du métier des armes ; mais, comme sa grand’mère lui faisait une peur horrible, et qu’il était très doux, très obéissant, il répétait ce qu’elle disait, l’air résigné à être soldat un jour.

Cependant, madame Burle remarqua que la version ne marchait guère. Charles, assourdi par le bruit de la tempête, dormait, la plume à la main, les yeux ouverts sur le papier. Alors, elle tapa de ses doigts secs le bord de la table ; et il fit un saut, il ouvrit son dictionnaire qu’il feuilleta fiévreusement. Toujours muette, la vieille femme rapprocha les souches, essaya de rallumer le feu, sans y parvenir.

Au temps où elle croyait à son fils, elle s’était