Aller au contenu

Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/151

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

aurait épousé le docteur. Il est résolu à partir, à disparaître pour toujours, lorsque la mort le prend en pitié et lui facilite son abnégation. Il meurt, il fait trois heureux.

Sans doute, je vois bien qu’il y a là-dessous une thèse, et les thèses m’ont toujours fâché au théâtre. D’autre part, la donnée reste bien mélodramatique. Si l’on veut savoir ce qui m’a séduit, c’est la belle nudité de la pièce. Pas un coup de théâtre, à notre mode française. Les scènes se suivent tranquillement, la toile tombe sur une conversation, les actes sont coupés au petit bonheur. C’est une tragédie, avec des personnages modernes. M. d’Ennery hausserait les épaules et trouverait cela bien maladroit.

Justement, je pensais à Une Cause célèbre, qui a une si étrange parenté avec la Mort civile. Dans le premier de ces drames, quelle grossièreté de procédé ! On peut être sûr que l’auteur ne se privera pas d’une ficelle, d’une situation, d’une tirade. Il gorgera la bêtise populaire, il trempera de larmes son public, par les moyens les plus énormes. Tout notre mauvais théâtre actuel est là, avec l’impudence de son dédain littéraire. Une Cause célèbre sue le mépris du bon sens, du génie français. On ne dit pas assez ce qu’une pareille pièce peut faire de mal à notre littérature dramatique. Pour en sentir toute l’infériorité, il faudrait la comparer à la Mort civile.

On se rappelle, par exemple, l’épisode de Jean Renaud retrouvant sa fille Adrienne. Il y a là des forçats dans un parc, une jeune personne qui sait une phrase entendue en rêve, un père en casaque rouge qui pousse des hurlements à ameuter le château. Rien de plus criard comme enluminure d’Epinal.