Aller au contenu

Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/165

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

fit alors pour sa réputation beaucoup plus que son talent. Pendant dix années, on n’a pu ouvrir un journal sans trouver une plaisanterie sur la maigreur de madame Sarah Bernhardt. Elle était surtout célèbre parce qu’elle était maigre. M. Albert Wolff pense-t-il que madame Sarah Bernhardt s’était fait maigrir pour qu’on parlât d’elle ? J’imagine qu’elle a dû être souvent blessée par ces bons mots d’un goût douteux ; ce qui exclut l’idée qu’elle payait des gens pour les publier.

Ainsi donc voilà son début dans la réclame. Elle est maigre, et les chroniqueurs, aidés des reporters, font d’elle un phénomène qui occupe l’Europe. Plus tard, on découvre d’autres choses : par exemple, on l’accuse d’une méchanceté diabolique ; on raconte que, chez elle, elle invente des supplices atroces pour ses singes ; puis, toutes sortes de légendes se répandent, elle dort dans son cercueil, un cercueil capitonné de satin blanc ; elle a des goûts macabres et sataniques, qui la font tomber amoureuse d’un squelette, pendu dans son alcôve. Je m’arrête, je ne puis dire ici les histoires monstrueuses qui ont circulé, et que la presse a répandues crûment ou à demi mots. De nouveau, je prie M. Albert Wolff de me dire s’il soupçonne madame Sarah Bernhardt d’avoir fait circuler ces histoires elle même, dans le but calculé de faire parler d’elle.

Je touche ici un point délicat. En quoi les excentricités de madame Sarah Bernhardt, vraies ou non, intéressaient-elles le public ? Je suis persuadé, pour mon compte, de la fausseté parfaite de ces légendes. Mais, quand il serait vrai que madame Sarah Bernhardt rôtirait des singes et coucherait avec un