Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/167

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Nous sommes ainsi faits en France, nous n’admettons pas qu’une individualité s’échappe de l’art dans lequel nous l’avons parquée. D’ailleurs, je ne juge pas le talent de madame Sarah Bernhardt, peintre et sculpteur ; je dis simplement qu’il est tout naturel qu’elle fasse de la peinture et de la sculpture, si cela lui plaît, et qu’il est plus naturel encore qu’elle montre cette peinture et cette sculpture, qu’elle tâche de vendre ses œuvres, qu’elle mène, en un mot, ses occupations et sa fortune comme elle l’entend.

Ce sont là des affirmations naïves, tant elles vont de soi. On sourit d’avoir à expliquer que chacun a le droit strict d’arranger son existence selon son goût, sans qu’on le jette violemment sur la sellette, devant l’opinion publique. Et ici le reproche adressé à madame Sarah Bernhardt de chercher la publicité devient plaisant. Sans doute, comme peintre et comme sculpteur, elle cherche la publicité, si l’on entend par là qu’elle expose ses œuvres et qu’elle les vend. Mais alors pourquoi ne lui fait-on pas un crime de chercher la publicité comme artiste dramatique ? Les personnes qui la rêvent modeste et cachée, devraient lui défendre de paraître sur les planches. De cette façon, on ne parlerait plus d’elle du tout. Si l’on admet qu’elle se montre au public en chair et en os,—en os surtout, dirait un reporter,—elle peut bien lui montrer ensuite ses œuvres. C’est raisonner singulièrement que de conclure à un besoin furieux de réclame, parce qu’elle ne se contente pas du théâtre et qu’elle s’adresse aux autres arts ; il faudrait plutôt conclure à un besoin d’activité, à une satisfaction de tempérament. Jamais personne n’a eu le courage de mener à bien de longs travaux, dans le but étroit