Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/179

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Un point qui me tient surtout au cœur, c’est de répondre au reproche qu’on me fait d’insulter nos gloires. J’ai écrit quelque part, après avoir constaté que les œuvres dramatiques contemporaines n’étaient pas, selon moi, des chefs-d’œuvre : « Les planches sont vides. » Là-dessus, M. Sarcey se fâche et me répond : « Les planches sont vides ! Sérieusement, est-il permis à un homme, quelle que soit sa mauvaise humeur, de se permettre une aussi extravagante monstruosité ? Quoi ! les planches sont vides ! et Augier vient de donner les Fourchambault, et l’on va reprendre le Fils naturel, d’Alexandre Dumas, et l’on joue en ce moment la Cagnotte, de Labiche, la Cigale, de Meilhac et Halévy, les Deux Orphelines de d’Ennery, et l’on annonce une comédie nouvelle de Sardou ! » Il paraît que je suis d’une extravagance bien monstrueuse, car, même après ce cri indigné, je répéterai tranquillement : « Oui, les planches sont vides. »

Seulement, ce que M. Sarcey néglige de dire, c’est que je ne me suis pas éveillé un beau matin, en trouvant cette affirmation, pour étonner le monde. Elle est la conséquence de toute une série d’études, la constatation finale d’un critique qui s’est mis à un point de vue particulier. Certes, jamais les planches n’ont été plus encombrées, jamais on n’y a dépensé autant de talent, jamais on n’a produit un si grand nombre de pièces intéressantes. Cela n’empêche pas que les planches soient vides pour moi, dès que j’y cherche le génie et le chef-d’œuvre du siècle, l’homme qui doit réaliser au théâtre l’évolution naturaliste que Balzac a déterminée dans le roman, l’œuvre dramatique qui puisse se tenir debout, en face de la Comédie humaine.