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Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/19

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marchent côte à côte ici-bas. Mais, en somme, la vérité, la réalité importait peu, déplaisait même aux novateurs. Ils n’avaient qu’une passion, jeter par terre la formule tragique qui les gênait, la foudroyer à grand bruit, dans une débandade de toutes les audaces. Ils voulaient, non pas que leurs héros du moyen âge fussent plus réels que les héros antiques des tragédies, mais qu’ils se montrassent aussi passionnés et sublimes que ceux-ci se montraient froids et corrects. Une simple guerre de costumes et de rhétoriques, rien de plus. On se jetait ses pantins à la tête. Il s’agissait de déchirer les peplums en l’honneur des pourpoints et de faire que l’amante qui parlait à son amant, au lieu de l’appeler : Mon seigneur, l’appelât : Mon lion. D’un côté comme de l’autre, on restait dans la fiction, on décrochait les étoiles.

Certes, je ne suis pas injuste envers le mouvement romantique. Il a eu une importance capitale et définitive, il nous a faits ce que nous sommes, c’est-à-dire des artistes libres. Il était, je le répète, une révolution nécessaire, une violente émeute qui s’est produite à son heure pour balayer le règne de la tragédie tombée en enfance. Seulement, il serait ridicule de vouloir borner au drame romantique l’évolution de l’art dramatique. Aujourd’hui surtout, on reste stupéfait quand on lit certaines préfaces, où le mouvement de 1830 est donné comme une entrée triomphale dans la vérité humaine. Notre recul d’une quarantaine d’années suffit déjà pour nous faire clairement voir que la prétendue vérité des romantiques est une continuelle et monstrueuse exagération du réel, une fantaisie lâchée dans l’outrance. A coup sûr, si la tragédie est d’une autre fausseté, elle n’est