Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/227

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mourir avec lui, elle s’oppose violemment à ce qu’il la sauve. Et ils meurent.

L’effet a été grand, le soir de la première représentation. La lutte de Geneviève pour mourir, le consentement arraché par elle à Valentin, la mort qui vient comme une délivrance et qui ravit les deux amants dans les espaces, tout cela est large et remarquable. Certes, je ne crois pas qu’on se suicide avec de pareils élans ; mais la situation est extrême, et le poète peut intervenir sans trop blesser la vérité. Quant à la thèse, à la souillure ineffaçable d’une première faute, au suicide employé comme une rédemption, peut-être cette thèse a-t-elle été dans les intentions de l’auteur, mais je veux l’ignorer, pour ne pas retomber dans mes sévérités. A quoi bon une thèse, lorsque la vie suffit ? Comment M. Catulle Mendès, qui est avant tout un homme d’art, a-t-il pu vouloir descendre jusqu’à jouer le rôle d’un avocat ?

Je finirai par un étrange reproche. Pour moi, la pièce est trop bien écrite. Je veux dire qu’on y sent les phrases presque continuellement. Le style ne consiste pas en belles images, pas plus que la peinture ne consiste en belles couleurs. En enfilant des comparaisons ingénieuses jusqu’à demain, on n’obtiendrait qu’une œuvre monstrueuse et illisible. Le style est l’expression logique et originale du vrai. Dire ce qu’il faut dire, et le dire d’une façon personnelle, tout est là. Les écrivains qui s’imaginent bien écrire parce qu’ils enlèvent une fin de tirade à l’aide de mots poétiques, sont dans la plus déplorable erreur. Au théâtre surtout, bien écrire, c’est écrire logiquement et fortement.