Page:Zola - Le Naturalisme au théâtre, Charpentier, 1881.djvu/239

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du théâtre, qui jusqu’ici l’a empêché de faire un drame vraiment neuf et vivant ?

Chaque fois qu’un mélodrame réussit, il y a des critiques qui s’écrient : « Eh bien ! vous voyez que le mélodrame n’est pas mort. » Certes, il n’est pas mort et il ne peut mourir. Par exemple, jamais un public ne résistera à une scène comme celle des deux mères, dans les Abandonnés. Nanine vient réclamer Robert à Ursule, la mère adoptive se sent pleine de tendresse à côté de la véritable mère, et elle lui crie, en montrant les trois enfants qui jouent : « Votre fils est là, choisissez dans le tas ! » L’effet a été immense. Cela prend les spectateurs par les nerfs et par le cœur. Toujours, de pareilles combinaisons dramatiques, qui mettent en jeu les profonds sentiments de l’homme, remueront puissamment une salle.

Ce qui meurt, au théâtre comme partout, ce sont les modes, les formules vieillies. Il est certain que le dernier acte des Abandonnés, ce pavillon où Morgane vient assassiner Nanine, est de l’art mort. On le tolère, parce qu’il faut bien accepter un dénoûment quelconque. Mais on est fâché que l’auteur n’ait pas trouvé quelque chose de neuf pour finir sa pièce. Le mélodrame est mort, si l’on parle des recettes mélodramatiques connues, des combinaisons qui défrayent depuis quarante ans les théâtres des boulevards et dont le public ne veut plus. Le mélodrame est vivant, et plus vivant que jamais, s’il est question des pièces qu’on peut écrire sur l’éternel thème des passions, en employant des cadres nouveaux et en renouvelant les situations. Nous sommes emportés vers la vérité ; qu’un dramaturge satisfasse le public en lui